Tout le monde aujourd’hui sait ce qu’est la réalité virtuelle, mais avez déjà entendu parler de la Thérapie par Exposition à la Réalité Virtuelle (TERV) ?
Considéré comme une Thérapie brève, la TERV se centre sur l’ici et maintenant pour traiter une multitude de pathologies comme troubles anxieux, addictions, troubles du comportement alimentaires….
Interrogé par notre équipe, Rodolphe Oppenheimer, psychothérapeute et psychanalyste à Paris, nous explique comment la science permet aux thérapeutes d’accompagner plus efficacement les patients. Envie d’en finir avec les addictions ? L’anxiété ou certaines phobies vous gâchent la vie ? la TERV est peut-être faîte pour vous.
Être femme: Quelle est l’origine de la TERV ?
Rodolph Oppenheimer: La réalité virtuelle a été créé sur le concept des pilotes d’avions de chasses puis de lignes pour les mettre en situation.
Être femme: Comment est venue l’idée d’utiliser la réalité virtuelle en thérapie ?
Rodolph Oppenheimer: Nos thérapies comme la Thérapie Comportementale et Cognitive (TCC) se limitait à donner des conseils à nos patients : « Quand vous montez dans l’avion, je vais vous demander de bien vouloir respirer de la façon dont nous l’avons appris, je vais vous demander à ce moment-là de vous concentrer sur vos contractures musculaires ».
A présent, grâce à la TERV nous pouvons emmener les patients en avion, le long d’une ligne de métro ou faire un long trajet sur l’autoroute. Nous pouvons superviser avec nos patients toutes les étapes en amont puis grâce à la réalité virtuelle nous les ferons circuler dans l’aéroport, présenter leur billet, s’installer dans l’avion etc .. Cela se fera sous notre contrôle et avec notre aide surtout.
Être femme: Qui a eu l’idée d’introduire la réalité virtuelle en thérapie ?
Rodolph Oppenheimer: C’est un comité scientifique américain qui a démarré fin 70 début 80, les premiers graphismes destinés à l’accompagnement thérapeutique. Les graphismes n’étaient pas géniaux néanmoins cela montrait que la qualité du graphisme n’a pas d’importance pour soigner. Ces premiers environnements sont restés la propriété des laboratoires scientifiques ou des hôpitaux et non jamais été découvert au grand public.
Être femme : Pour quels types de pathologies l’utilisation de la TERV est-elle préconisée ?
Rodolph Oppenheimer: La réalité virtuelle fonctionne, entre autres, pour les phobies, les troubles obsessionnels compulsifs qu’on appelle TOC, les troubles anxieux généralisés qu’on appelle TAGS, les addictions, les conduites compulsives et également pour aider à la relaxation.
Être femme: Quels sont les atouts pour le praticien et pour le patient ?
Rodolph Oppenheimer: Le praticien et le patient peuvent, ensemble, grâce à la réalité virtuelle réaliser des choses qu’il serait impossible de faire sans cette technique, comme par exemple, faire un vol Paris/Los Angeles, traverser toute une ligne de métro, se trouver en présence d’un serpent dangereux ou de cafards, être coincé sur l’autoroute, rouler de nuit. Tout un tas d’occurrences excessivement difficile à réaliser en cabinet et qui deviennent extrêmement simple à réaliser avec la réalité virtuelle.
Être femme: Est-ce que la TERV convient à tous les patients, ou vise des patients en particuliers ?
Rodolph Oppenheimer : D’un point de vue médical, les personnes qui souffrent d’épilepsies ne doivent pas utiliser la réalité virtuelle.
La TERV fonctionne sur des personnes ouvertes aux nouvelles technologies, des personnes motivées et pour qui la TERV est une indication par rapport à l’anamnèse. Pour les patients qui ont des aprioris, nous montrons de façon très graduelle et pédagogique ce qu’est la réalité virtuelle, ses bienfaits et ce qu’elle peut apporter. Si la personne y souscrit, il est intéressant de faire une thérapie avec, dans le cas contraire, si la personne n’y souscrit pas ou accepte sans vraiment y croire, il vaut mieux l’orienter vers une autre thérapie.
Être femme: C’est une pratique assez récente, depuis quand l’utilisez-vous ?
Rodolph Oppenheimer: Je l’utilise depuis 10 ans, on me regardait comme un martien.
Être femme: Était-il facile de se former à la TERV il y a10 ans ? de se procurer le matériel pour exercer ? De trouver des patients ?
Rodolph Oppenheimer : Il y a 10 ans, il était très difficile de se former à la thérapie par exposition par la réalité virtuelle. J’ai été formé par, le précurseur de la réalité virtuelle en France, le Dr Eric Malbos Médecin psychiatre au CHU la conception à Marseille avec qui j’ai co écrit deux ouvrages, Psychothérapie et réalité virtuelle et Se libérer des troubles anxieux par la réalité virtuelle.
A l’époque, il créait lui-même ses propres environnements de réalité virtuelle. Quant à Être femme, j’ai bénéficié des premiers environnements d’une société qui se nomme C2CARE qui ont rapidement mis au point des environnements extrêmement évolués intelligents et pragmatiques.
Mes premiers patients en TERV avaient, pour beaucoup, essayé beaucoup de thérapies avait passé beaucoup de temps et ont découvert cet outil extraordinaire ce carrefour pour la psyché que la thérapie par exposition à la réalité virtuelle
Être femme: Qu’est-ce qui vous a donné l’envie/l’idée de l’utiliser ?
Rodolph Oppenheimer: J’ai d’abord été sceptique mais l’idée de pouvoir prendre plus de pathologies m’a séduite. Puis en voyant les résultats, j’ai été de plus en plus convaincu par la technique, j’ai alors compris qu’il y aurait un avant et un après.
Être femme: Qu’est-ce que la TERV a changé à votre pratique ? Est-ce que la TERV s’intègre ou pas dans vos autres pratiques (dans un accompagnement plus global) ou il s’agit d’une prise en charge spécifique ?
Rodolph Oppenheimer: La TERV m’a permis une prise en charge et une guérison plus rapide et encore plus méthodique que les TCC sans réalité virtuelle.
Être femme: Est-ce que la TERV s’intègre ou pas dans vos autres pratiques (dans un accompagnement plus global) ou il s’agit d’une prise en charge spécifique ?
Rodolph Oppenheimer: Il m’arrive, avec des patients, de ne pratiquer que la psychanalyse. Dans d’autres cas, je pratique uniquement la réalité virtuelle ou uniquement les TCC et dans d’autres encore, j’utilise la psychanalyse et la réalité virtuelle.
J’explique aux patients que la thérapie comportementale avec ou sans réalité virtuelle est comme des antidouleurs qui agissent rapidement et que la psychanalyse est comme des antibiotiques qui prendraient un peu plus de temps à agir mais qui permettent de remonter à la source du problème à l’origine d’une phobie, une addiction ou d’un toc.
Être femme: Est-ce que la TCC “traditionnelle” est amenée à disparaitre ?
Rodolph Oppenheimer: La réalité virtuelle va prendre de plus en plus de place, car qui peut le plus peut le moins, l’individu ne sera jamais le moins même s’il peut s’aider d’un maximum d’outils techniques et scientifiques, il aura toujours besoins de l’aide d’un thérapeute. N’espérons pas trop vite que l’homme disparaisse de sa propre société, appuyons-nous sur la science et restons en maître. Ne nous laissons pas piéger par nos propres golem grâce à l’humilité que nous devons avoir comme thérapeute.
Être femme: Comment se déroule une séance ?
Rodolph Oppenheimer: Une séance démarre toujours par une anamnèse, cela permet de se faire une idée de la situation, de comprendre pourquoi ceci est arrivé et à quel moment. Elle permet aussi de comprendre si notre patient souhaite guérir où s’il trouve des bénéfices secondaires à la situation. Lorsque c’est le cas, la thérapie, quelle qu’elle soit, n’apportera que peu de résultats.
D’un point vue concret, ce qui permet d’optimiser les résultats d’une thérapie par exposition à la réalité virtuelle, c’est le fait d’agir excessivement graduellement. Par exemple, pour une personne phobique qui a peur de tomber, je lui demanderai d’avancer centimètre par centimètre. Si celle-ci devait avoir peur, nous avancerions millimètre par millimètre. C’est le fait d’aller aussi doucement qui permet d’aller aussi loin car si nous avancions trop vite cela ne ferait que déclencher de nouvelles crises d’angoisse, de nouvelles attaques de panique et cela réduirait, encore plus, le champ des possibles du patient.
Être femme: Y a-t-il des effets secondaires pour le patient ?
Rodolph Oppenheimer: Il peut arriver que certains patients aient des sensations comme le mal de mer. Dans ces cas, il faut effectuer des séances de façon encore plus douce et, éventuellement, en prenant quelques pauses.
Être femme: Combien de séances sont nécessaires ?
Rodolph Oppenheimer: il faut compter entre 15 à 30 séances. Les thérapies dites, thérapie brève prennent entre 6 Être femmes et 2 ans. On conseille de se limiter à une séance par semaine. Compte tenu des souffrances du patient, Il faut faire très attention de ne pas lui faire espérer des guérisons immédiates. Chaque cerveau est différent et unique, aussi il faut du temps pour bien le comprendre, pour agir avec lui et modifier les pensées erronées pour que le patient se concentre sur des faits scientifiques et non sur sa propre imagination.
Être femme: Comment passe-t-on de la réalité virtuelle à la réalité ?
Rodolph Oppenheimer: Pour passer de la réalité virtuelle à la réalité, il faut bien terminer la séance, c’est-à-dire qu’une personne dans un avion en vol ne peut pas retirer son casque car son inconscient ne comprendrait pas comment en plein vol il pourrait redescendre. En cabinet, il faut dérouler le process jusqu’au bout, pour schématiser l’atterrissage puis la piste puis l’arrêt des moteurs, la descente des passerelles, l’ouverture des portes et la descente de l’avion. Il faut rester cohérent dans la réalité virtuelle.